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REVUE DEMOSPHERIQUE
26 juillet 2007

Humeur : Jules Ferry était centriste !

In DELPHINE GIRARD, BLOG

   A l’heure où le ministre de l’Education nationale ouvre les vannes de la carte scolaire et où se pose avec acuité la question des missions de l’Ecole (instruction ou éducation ?), l’histoire, bonne fille, peut nous rappeler que le sujet a toujours été polémique. Jules Ferry est l’inventeur de cette école républicaine que d’aucuns voient, naïvement, à ses origines idéale et prospère. Mais sait-on qu’il fut un des hommes les plus haïs de France ?Songeons à son parcours : avocat libéral, il s’est jeté corps et âme dans la lutte contre Napoléon III et ses sbires. Ses Comptes fantastiques d’Haussmann valent bien, dans la violence, le Coup d’Etat permanent. Haine des bonapartistes. Après avoir proclamé la République sur les marches de l’Assemblée alors que Sedan sonnait le glas des ambitions de l’Empire, il est élu maire de Paris. Il y assiste, impuissant, aux massacres de la Commune et des Versaillais. Haine des uns, dédain des autres. Député des Vosges, il lutte pour l’idée républicaine comme un canard dans un marigot : les insultes glissent sur son pelage. Ce courage fait de lui un ministre de l’Instruction publique fondateur. L’école primaire publique est son cheval de bataille. Qu’elle soit gratuite ! Et elle fut gratuite (16 juin 1881). Les parents râlent ? Qu’elle soit obligatoire ! les congrégations s’étranglent ? Qu’elle soit laïque ! Et elle fut obligatoire et laïque (28 mars 1882). Mais voilà : le temps est aux expansions, et le bon temps des colonies le fait intervenir à Madagascar (où Clemenceau lui donne la réplique) et au Tonkin (ce qui lui coûte son poste). Et cela ne lui sera pas pardonné par la droite nationaliste, qui se demande bien ce que des bons Français vont faire chez les Noirs quand l’Allemand ne demande qu’à être combattu, et par la gauche internationaliste, qui juge raciste son idée de fardeau de l’homme blanc qui doit montrer aux autres les voies de la civilisation. Clemenceau s’acharnera contre sa candidature à l’Elysée (1887) alors même que Ferry reçoit un coup de pistolet (la mode est à l’anarchie). Les séquelles de cet attentat le tueront lentement : il meurt en 1893, quelques semaines, ironie du sort, après son élection à la présidence du Sénat. Faisons un bilan. Ferry est haï à gauche par les jacobins, les anticléricaux (il a refusé que l’on biffe l’idée de Dieu dans les manuels scolaires) et les socialistes (il n’aime pas le désordre et se méfie des utopies), les communards et les anticoloniaux. Il est haï à droite parce qu’au nom des valeurs à enseigner à l’école il a fait voter la laïcité de l’enseignement, le mariage civil, le divorce, la liberté de réunion, de la presse, des syndicats (sauf pour les militaires et les fonctionnaires). Et pourtant ce sont toutes ces lois qui ont fondé la France contemporaine, l’ont inscrite dans la première mondialisation et ont fait de la France une grande puissance mondiale et une nation culturellement dynamique et ouverte à tous. Haï à sa gauche et à sa droite il a su, parfois difficilement, souvent seul, et en peu de temps, poser les bases de la France contemporaine. En d’autres temps, Mendès-France et de Gaulle se sont trouvé dans une semblable position. Ils ne sont pas les plus médiocres de notre histoire. Minoritaires un jour mais sûrs de leurs idées, les grands hommes de notre histoire sont toujours écartés des appareils constitués. Ferry était centriste, n’en doutons pas ! par Hugo Billard, Modem Aubervilliers et prof d’histoire-géo

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