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REVUE DEMOSPHERIQUE
29 août 2007

Raymond Barre - Homme libre, homme déroutant

Raymond Barre était un homme politique atypique. Il n’était pas du sérail, il n’était pas technocrate, même s’il fût membre de la Commission Européenne à Bruxelles. Mais il était courageux, se moquant de sa popularité et épris de l’intérêt général. Et ce n’est pas si banal, de nos jours, pour un politique de faire passer l’intérêt général devant celui de ses amis, de sa caste, de son parti ou de sa réélection.

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Raymond Barre a su rester fidèle à ses convictions et à ce qu’il pensait être le meilleur chemin pour l’intérêt de tous à une époque, et il fût un vrai Premier Ministre, où la conjoncture économique était très difficile, après trente années de reconstruction que l’on qualifia de trente glorieuses.

Sur ce chemin difficile, il ne se fendit pas de belles promesses, il osa, le premier, dire la vérité. Il osa prendre des décisions qui allaient à l’encontre de la majorité de l’opinion mais qui étaient nécessaires au redressement du Pays. Et nous l’avons bien constaté en 1983, où Pierre Mauroy, après avoir flatté l’opinion pour répondre aux promesses du candidat Mitterrand a bien été obligé de faire un virage à 180° pour instaurer la rigueur prônée depuis 1976 par Raymond Barre.

Il ne cherchait pas à plaire, il s’y prenait parfois maladroitement, provoquant, mais son objectif était le progrès pour tous.

Raymond Barre n’était pas homme de parti, ce microcosme qu’il raillait. D’ailleurs s’il fût apparenté UDF, il n’y adhéra jamais. Il ne voulait pas s’enfermer dans les dogmes partisans, il voulait rester libre. De ce fait il vota, après 81 des lois proposées par la gauche. Il pouvait déranger dans ses prises de positions, mais contrairement à beaucoup il conservait son libre arbitre, pouvant être à contre-courant. Et cela toujours dans l’intérêt général. En tout cas dans ce qu’il pensait être bon pour ce dernier.

Lorsqu’il fût élu Maire de Lyon, il proposa des postes d’adjoints à la gauche. Il amena Lyon au rang d’une métropole européenne. Il s’engageait et restait fidèle à sa parole. Lorsqu’il fit campagne à Lyon en 1995, il annonça de facto qu’il ne briguerait pas un second mandat s’il était élu. Et il a tenu sa promesse.

Mais Raymond Barre a eu aussi ses contradictions. Ses déclarations équivoques en 1979 lors de l’attentat de la rue des Rosiers. Son témoignage lors du procès Papon. Sans vouloir le dédouaner sur ce dernier point, Raymond Barre jugeait sur les faits. Il déclara à la cour que Mr Papon était un bon secrétaire d’Etat. Certes, c’est peut être ce qu’il a constaté. Ce que nous pouvons lui reprocher, c’est d’avoir fait abstraction du passé de Mr Papon dans son témoignage. Mais tel était Raymond Barre. Ne se prononcer que sur ce qu’il connaissait.

Je suis triste de ce que Mr Barre, à la lueur de ce que nous savons à présent, ait pu persister dans son jugement sur ces deux faits lors de son passage sur France Culture le 1er mars. Mais tel était cet homme. N’hésitant pas à bousculer afin de montrer que tout n’est pas si simple. Il usait de cette provocation. Je ne peux toujours pas admettre ses positions et le suivre dans cette voie sur ces deux faits. Cela restera mon regret vis-à-vis de cet homme qui reste un modèle en politique sur le reste de sa pensée et de son action.

Alors était-il homme de droite ou centriste ? Il était en tout cas un homme politique au sens étymologique du terme. Son aspiration était de travailler pour la Cité. S ’il ne faut pas effacer ses déclarations, épisodes qui assombrissent son action, il reste néanmoins un exemple pour ce que devrait être les hommes politiques.

Et je n’en connais pas beaucoup, aujourd’hui, qui sont sur cette ligne d’œuvrer pour le bien de tous. Je n’en connais pas beaucoup qui osent dire ce qu’ils pensent réellement. Je n’en connais pas beaucoup qui osent prendre des risques à annoncer des mesures à contre-courant. Je n’en connais pas beaucoup qui se sentent libres des appareils et portent d’abord leurs convictions pour l’intérêt du pays avant les intérêts particuliers. J’en citerai deux en France : Michel Rocard et François Bayrou.

Alors, ce soir, si je suis toujours offusqué des propos de Raymond Barre sur les sujets évoqués le 1er mars, je reste convaincu que cet homme était un exemple d’homme politique. Désintéressé, travaillant pour l’intérêt général et non catégoriel, libre de ses opinions, tel était Raymond Barre. Il fût un grand homme d’état.

Raymond Barre aurait pu avoir sa place dans le Mouvement Démocrate. Pour cela il aurait fallu qu'il s'explique sur ses déclarations du 1er mars et accepte quelque part de se contredire. Ce n'était pas dans le genre du bonhomme. Nénmoins je crois, malgré ses contradictions, qu'il était Démocrate.

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Commentaires
L
Bien sur, nous ne pouvons que déplorer les propos de Raymond Barre le 1er mars dernier, mais ce que l'âge parfois peut excuser, ne doit pas masquer le grand homme politique qu'il a été. Un premier ministre qui ose dire aux Français qu'il va falloir se serrer la ceinture, que le chômage va augmenter, que les chocs pétroliers successifs auront des repercussions durables sur notre économie, notre vie, notre société et que c'est ensemble que les Français doivent relever ces défis. C'était courageux, honnête et politiquement suicidaire. J'avaisquinze ans à l'époque et cela m'a marqué: un homme politique qui ne ment pas! Ses successeurs, jusqu'à aujourd'hui, n'ont su que promettre, masquer la vérité, manipuler l'opinion des électeurs pour justifier de politiques approximatives et partisanes sans réels résultats.<br /> C'est un grand homme politique qui vient de nous quitter, espérons que le MoDem nous en donnera d'autres de cette trempe!
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